La nouvelle est tombée comme un symbole. MTV, la chaîne qui a façonné l’imaginaire pop de millions de jeunes, va débrancher une grande partie de son réseau européen. Une fin annoncée depuis longtemps, certes, mais qui résonne comme un signal culturel bien plus fort qu’un simple arrêt de diffusion. Car derrière cette disparition, c’est tout un rapport à la télévision qui vacille. Et avec lui, notre manière d’être ensemble devant un écran.
Quand la télévision créait la culture
Il fut un temps où la télévision n’était pas seulement un média, mais un phare culturel. On la regardait en famille, entre amis, dans les cafés, dans le salon qu’on avait rangé exprès. Elle dictait les rendez-vous, imposait son rythme, faisait de l’audience un événement collectif.
MTV, c’était ça. Une fenêtre ouverte en continu sur la pop culture mondiale. Les premiers clips de Michael Jackson qui semblaient venir d’un autre monde. Les video-jockeys qui parlaient comme des grands frères cool. Les top charts qu’on attendait comme un rituel. Les génériques qui donnaient envie de danser. Les clips qu’on enregistrait sur VHS pour les revoir en boucle. Et la sensation que la musique, l’image et la mode ne faisaient plus qu’un.
Au-delà de la musique, MTV était également connu pour ses programmes. Pimp my ride (2004-2007), Mon incroyable anniversaire (2005-2017), Next (2005-2008), Jackass (2000-2002) ou encore 16 ans et enceinte (2009-2014) étaient quelques-unes des émissions populaires de la chaîne dans les années 2000.
La télévision de cette époque créait des générations. Elle créait des souvenirs. Elle créait même des vocations. Elle faisait entrer la culture dans les foyers par une seule porte, celle de l’écran du salon.
La fin d’une époque ou la suite logique ?
Voir MTV s’effacer progressivement du paysage télévisuel n’est pas une simple actualité, c’est un marqueur. Une bascule. Le signal que nous avons quitté l’ère où les chaînes faisaient la pluie et le beau temps.
Les chiffres confirment ce glissement. En Suisse, des données récentes indiquent que les gens passent désormais environ 25 minutes de moins par jour devant la télévision qu’il y a dix ans, et 22 minutes de moins à écouter la radio. Dans le même temps, l’écart technologique s’est resserré : pour la radio, l’abandon progressif de la FM se traduit par une adoption massive du numérique selon l’autorité compétente, aujourd’hui environ 87 % de l’écoute totale de la radio en Suisse se fait via des moyens numériques (web radios ou DAB). La télévision et la radio ne disparaissent pas, elles s’égrènent, doucement, comme une époque qui se défait.
Streaming, plateformes, réseaux sociaux : le nouvel univers
La montée du streaming a redéfini les règles du jeu. Netflix, YouTube, TikTok, Twitch et les autres ne sont pas seulement des plateformes. Ce sont des environnements. Des mondes. Des algorithmes qui apprennent nos habitudes, qui dialoguent avec nos envies, qui nous guident, et qui nous enferment parfois.
La musique ne se découvre plus dans une émission à heure fixe, mais dans une playlist personnalisée. Les artistes émergent grâce à des vidéos courts sur Instagram et TikTok. Les films sortent de plus en plus vite en streaming. Les séries se regardent en une nuit. Les documentaires deviennent viraux parce qu’un influenceur en a parlé. Les débats politiques se résument souvent à une compétition de punchlines partagées sur Twitter.
La culture s’est déplacée. Elle circule ailleurs. Elle vit ailleurs. Elle pulse à un autre rythme.

Mais alors, que reste-t-il de la télévision ?
Contre toute attente, la télévision n’est pas morte. Elle se transforme. Elle résiste. Elle se réinvente. Elle ajoute du replay, du live interactif, des plateformes hybrides. Elle devient un complément plutôt qu’un centre. Elle devient un rituel parmi d’autres.
Et elle garde une force incomparable : celle de créer du collectif. Un match de Coupe du monde. Une élection. Une cérémonie. Une émission que tout le monde regarde en même temps puis commente sur son téléphone. La télévision reste, malgré tout, ce point de ralliement étrange et magique où une société entière regarde la même chose, au même moment.
La fin de MTV ne signe pas la fin de la culture télévisuelle
Elle marque plutôt la fin d’un chapitre et l’ouverture d’un autre. Un chapitre où l’écran n’est plus unique. Où la culture n’est plus centralisée. Où les générations ne se définissent plus par un même générique, mais par les algorithmes qui les accompagnent.
MTV disparaît peut-être, mais l’esprit MTV, lui, circule encore. Dans les clips en boucle sur YouTube. Dans les trends de TikTok. Dans l’esthétique des Réels. Dans cette manière dont l’image et la musique, désormais, fusionnent partout.
La télévision a façonné notre imaginaire collectif. Le web et le streaming façonnent nos imaginaires individuels. Entre les deux, il y a ce que nous sommes devenus : des spectateurs libres, connectés, exigeants, parfois dispersés, mais toujours avides d’histoires et de musique.
Et peut-être est-ce là la vraie révolution.








