Valérie de Roquemaurel Slash Culture

Valérie de Roquemaurel : façonner le verre et souffler l’émotion

Dans une interview touchante et pleine de passion pour Slash Culture, Valérie de Roquemaurel, souffleuse de verre depuis plus de dix ans, partage son parcours artistique, ses défis et sa vision d’un métier rare et fascinant. Cet échange plonge dans les détails de son quotidien, entre le travail exigeant de manipulation du verre à haute température et ses aspirations artistiques. Voici un aperçu de son parcours inspirant.

Une vocation artistique née dès l’enfance

Dès l’âge de cinq ans, une enseignante remarque le potentiel artistique de Valérie. Bien que le verre ne soit pas initialement son domaine de prédilection, les œuvres en verre chez ses grands-parents la fascinent, et des pièces de collection signées Daum, Gallé ou Lalique éveillent son imagination. « Je pensais qu’on ne pouvait pas travailler le verre. Ça me paraissait bien trop mystérieux pour que ce soit accessible, » confie-t-elle, évoquant ce matériau à la fois fragile et puissant.

Sa famille, empreinte d’un amour pour l’art et l’artisanat, joue également un rôle crucial dans son choix de carrière. Entre un grand-père passionné par les vitraux et un père regrettant de n’avoir pu réaliser son rêve d’être ébéniste, Valérie est entourée d’influences qui la poussent à suivre des études artistiques.

Une formation exigeante et un chemin semé d’embûches

Son parcours académique la conduit à obtenir un DEUG, une licence et une maîtrise en art appliqué, avec une spécialisation en design. En fin de cursus, un stage auprès d’un souffleur de verre se transforme en révélation. Bien que ponctué d’incidents, ce stage est déterminant, et elle s’immerge dans la maîtrise du verre. Sa passion pour cet art la pousse à poursuivre une formation spécialisée dans le nord de la France. Elle raconte, non sans humour, les premières « patates de verre » ramenées à ses parents, témoignant de la difficulté à dompter un liquide en fusion. « Il faut cinq à sept ans pour apprendre le métier, » explique-t-elle, soulignant la rigueur de cette discipline.

La création d’un atelier à Pomy et les défis de l’indépendance

Depuis 2013, Valérie s’est installée à Pomy, où elle a établi son propre atelier. Cependant, ce n’est pas sans embûches : « J’ai été inondée 13 fois, traversé la Covid, la crise énergétique, la guerre en Ukraine… » Ces épreuves, loin de la décourager, lui offrent chaque année de nouvelles opportunités de création. Ses fours atteignent des températures de plus de 1000 degrés et le métier reste exigeant, mais Valérie y trouve un profond épanouissement. 2024, année du dragon, symbolise pour elle la créativité et la passion du feu, des éléments qui la caractérisent profondément.

Le quotidien d’une souffleuse de verre : entre créativité et discipline

Valérie parle de ses journées où chaque projet évolue, mûrit et prend forme, souvent après de longs mois de réflexion. Elle partage que l’inspiration ne vient pas toujours d’un coup, mais qu’elle s’impose avec le temps. « Toute la journée, je ne fais que ça : je réfléchis. Je note des idées sur des calepins, même sous la douche. » Ce processus créatif est aussi une constante réinvention, où la rigueur du geste est essentielle pour travailler une matière aussi indomptable que le verre.

Travailler seule est possible dans cet art, mais pour des pièces plus grandes, le travail en équipe est essentiel. Laura, qui l’assiste trois jours par semaine, ainsi que sa fille et des stagiaires ponctuels, la soutiennent dans les moments où le verre nécessite plus de mains pour être maîtrisé.

Les limites du soufflage de verre et le goût du perfectionnisme

Dans son métier, certaines limites s’imposent, notamment au niveau du poids et de la taille des pièces, liées aux dimensions des fours. Valérie confie que, bien qu’elle puisse recycler le verre transparent, les pièces colorées finissent souvent à l’inerte en cas d’échec. Elle admet que son perfectionnisme l’amène à toujours chercher à s’améliorer, chaque pièce étant un nouvel apprentissage. Ce processus constant fait partie de son engagement pour cet art.

Ses collaborations prestigieuses et la reconnaissance d’un savoir-faire

Depuis 2016, elle travaille avec l’Hôtel de Ville de Crissier, où ses œuvres ont remplacé les pièces de Baccarat. Collaborer avec des institutions et des marques prestigieuses telles qu’Audemars Piguet lui permet de repousser les limites de son art. En 2018, elle reçoit le prix du patrimoine culturel immatériel de la Fondation Vaudoise pour la culture, une reconnaissance qui lui a permis de partir aux États-Unis pour explorer le musée du verre à Corning et rencontrer un autre maître verrier du côté de Seattle.

Inspirée par les émotions et la nature

La nature et les émotions profondes constituent la plus grande source d’inspiration de Valérie. Ayant suivi une formation en histoire de l’art, elle s’efforce de ne pas se laisser influencer par les créations d’autres verriers, bien qu’elle admette que chaque œuvre en verre la pousse instinctivement à en décoder la technique de réalisation.

Des projets sur mesure pour particuliers et une volonté de transmission

Le travail de Valérie est majoritairement dédié à la création sur mesure, avec des commandes de luminaires et de sculptures pour des particuliers et des entreprises. Passionnée par son métier, elle tient à préserver et transmettre ce savoir-faire unique. En Suisse, les souffleurs de verre sont rares, et Valérie insiste sur l’importance de la formation pour perpétuer cet art qui se transmet de main en main.

Entre danse, pilotage et écriture : une artiste aux multiples passions

En plus de son activité artistique, Valérie nourrit plusieurs passions : elle suit des cours de danse et apprend à piloter de petits avions. « La danse me permet de me découvrir et de m’éloigner un peu de la réflexion constante. » Elle consacre également du temps à l’écriture de chroniques et à la peinture, retrouvant ainsi les plaisirs de ses premiers amours artistiques.

La flamme et le souffle

En 2020, Valérie de Roquemaurel a publié La flamme et le souffle, un livre d’art réalisé en collaboration avec Thierry Scherrer, fruit d’une belle rencontre artistique. L’idée est née lors des Journées des métiers d’art, quand Thierry lui envoya un texte inspiré de sa visite à l’atelier, capturant l’émotion unique du verre en fusion. Pour Valérie, ce projet représentait l’opportunité de figer dans le temps un métier vivant, aussi éphémère que le souffle qui le crée. « C’est long et laborieux de faire un livre, » confie-t-elle, se souvenant du soin méticuleux qu’elle a apporté à chaque page, chaque virgule. Mais la fierté de voir son œuvre intégrer la Bibliothèque Nationale Suisse a donné à ce travail acharné une signification particulière.

Un rêve pour 2032 : un atelier pensé pour le verre

Valérie nourrit un rêve pour 2032 : construire un atelier entièrement dédié à son art, avec un espace d’exposition et de vente, mais aussi des infrastructures adaptées, notamment des fosses pour des pièces plus grandes. Ce projet incarne son désir d’aller plus loin dans sa maîtrise du verre et d’en faire une expérience immersive pour le public.

L’actualité de Valérie de Roquemaurel

Women Up, du 8 au 10 novembre 2024 au château de Rolle
Vernissage du livre « Artisanes », le 14 novembre 2024 à la Fondation Jan Michalski
Arty Show, du 23 novembre au 21 décembre 2024 à La Chaux-de-Fonds
Portes ouvertes avec démonstrations de soufflage de verre, le 30 novembre 2024 à l’atelier de Pomy

www.valeriederoquemaurel.com


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