À l’occasion de son 20e anniversaire, le Zentrum Paul Klee de Berne consacre une exposition magistrale à l’une des figures les plus influentes de l’architecture moderne : Le Corbusier. Intitulée Le Corbusier. L’ordre des choses, cette exposition, qui se tient jusqu’au 22 juin 2025, offre une relecture fascinante du travail multidimensionnel de Charles-Édouard Jeanneret, alias Le Corbusier. Entre art, architecture et urbanisme, elle met en lumière sa pensée plastique et son obsession pour l’ordre, concept central de sa philosophie.
Le Corbusier : une modernité intemporelle
« Être moderne n’est pas une mode, c’est un état », écrivait Le Corbusier en 1970. Figure incontournable du mouvement moderne, il révolutionna la manière d’habiter, de penser l’espace urbain et de concevoir l’architecture. Son approche, mêlant rationalité et esthétique, s’appuyait sur l’usage des technologies industrielles et sur des principes mathématiques comme le Nombre d’Or. Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2016, son héritage continue d’influencer architectes et designers du monde entier.
Mais au-delà de l’architecte, l’exposition met en avant l’artiste, le penseur et le théoricien. L’ordre des choses propose ainsi une exploration approfondie de son processus de création, révélant l’importance du dessin, de la couleur et des formes dans son travail. En mettant en dialogue ses réalisations architecturales avec ses expérimentations artistiques, le Zentrum Paul Klee invite le public à découvrir un Le Corbusier plus intime, moins dogmatique, et infiniment curieux.
L’ordre comme principe fondateur
L’exposition s’articule autour d’un concept clé de la pensée corbuséenne : l’ordre. Pour Le Corbusier, ordonner le monde était une nécessité esthétique et fonctionnelle. « Là où naît l’ordre, naît le bien-être », écrivait-il dans Vers une architecture en 1923.
Ce principe irrigue toutes ses réalisations : des unités d’habitation pensées comme des microcosmes autonomes à la ville de Chandigarh en Inde, en passant par ses peintures géométriques. L’exposition illustre cette quête obsessionnelle d’organisation à travers une sélection d’œuvres variées : maquettes, croquis, peintures, sculptures et objets du quotidien qui ont nourri son imaginaire.
Tout est dans l’intention, dans le germe. Rien n’est vu, apprécié, aimé que ce qui est si bien, si beau que du dehors on pénètre au cœur même de la chose par l’examen, la recherche, l’exploration. Ayant parcouru un chemin multiple, on trouve alors le cœur de la chose.
Le Corbusier


Un parcours en trois axes : art, architecture et recherche
L’exposition se décline en trois sections majeures : l’Art, l’Architecture et la Recherche, offrant ainsi une vision transversale du génie corbuséen.
La Recherche : un laboratoire d’idées
Au cœur de l’exposition se trouve l’Atelier de la Recherche Patiente, son espace d’expérimentation artistique et intellectuelle. Le Corbusier collectait des objets naturels – coquillages, pierres, bois flotté – qu’il considérait comme des sources d’inspiration. Ces « objets à réaction poétique » sont exposés aux côtés de ses carnets de croquis, notes et photographies. Une salle entière est également consacrée à ses fameuses conférences dessinées, témoignant de sa volonté de diffuser ses idées à un large public.
L’Art : Le Corbusier, le peintre et le sculpteur
Dès ses jeunes années, Le Corbusier fut formé au dessin et à la peinture. Cette section retrace son évolution artistique, de ses paysages et études de la nature aux toiles puristes des années 1920, en passant par ses papiers collés et sculptures tardives. Les visiteurs pourront admirer certaines de ses œuvres les plus emblématiques comme Nature morte au siphon (1928) ou ses abstractions colorées des années 1950.
L’Architecture : entre utopie et pragmatisme
Le deuxième axe est consacré à sa pratique architecturale et à sa vision de l’urbanisme. Il présente les grands projets de Le Corbusier, dont l’Unité d’Habitation de Marseille, la ville de Chandigarh, ou encore la chapelle de Ronchamp. Des esquisses, plans originaux et maquettes permettront de comprendre comment il articulait espace, lumière et volume. Un focus particulier est mis sur son concept de promenade architecturale, qui transforme la manière dont on perçoit l’architecture.

Une contextualisation historique essentielle
L’exposition ne fait pas l’impasse sur les aspects plus controversés de l’héritage de Le Corbusier. Son rapport à la politique et ses accointances idéologiques sont abordés avec rigueur scientifique, notamment grâce à l’étude de l’historien Jean-Louis Cohen. Cette mise en perspective permet de mieux comprendre les paradoxes d’un homme qui, tout en rêvant d’un monde meilleur, a parfois flirté avec des idéologies discutables.
Un dispositif interactif et immersif
Afin d’enrichir l’expérience du visiteur, l’exposition est accompagnée d’un guide numérique accessible gratuitement, ainsi que d’une installation vidéo signée Kay Walkowiak, qui explore l’état actuel de Chandigarh. Une exposition parallèle, Tohuwabohu (Creaviva). Un chaos ordonné, propose quant à elle une immersion ludique dans les principes corbuséens de l’ordre et du désordre.
Enfin, le Zentrum Paul Klee propose des visites guidées en français, des ateliers familiaux et un catalogue richement illustré édité par Martin Waldmeier et Nina Zimmer.
Pour obtenir plus d’informations sur l’exposition, rendez-vous sur www.zpk.org
