C’est un chaud après-midi à Tokyo et, à deux pas du campus universitaire de Waseda, dans le quartier de Shinjuku, un bâtiment singulier capte immédiatement le regard. Nous avons l’impression d’apercevoir un mirage coloré, venu tout droit de Barcelone… mais non, nous sommes bel et bien au Japon. Au fil de la promenade, nous découvrons Waseda El Dorado, une œuvre fantaisiste signée Von Jour Caux – pseudonyme de Toshirō Tanaka, surnommé le « Gaudi japonais ».
Dès l’extérieur, la façade attire l’œil avec ses motifs ondulants, ses mosaïques étincelantes et ses formes organiques qui semblent danser sous la lumière. Les statues, incrustées dans la pierre, évoquent des créatures mythologiques ou des gargouilles délicatement sculptées. On se demande presque si elles pourraient prendre vie au passage d’un visiteur distrait. Pour un instant, Tokyo paraît s’évaporer et laisser place à un rêve architectural.


En nous approchant de l’entrée, je suis accueilli par un mélange hétéroclite de références culturelles : des colonnes rappelant l’Art nouveau, un soupçon d’esthétique antique, sans oublier quelques touches de modernité nippone. Malgré son nom exotique, “El Dorado” n’est pas recouvert d’or massif, mais la sensation de luxure et de trésor caché est bien présente.


À l’intérieur, on découvre un labyrinthe de couloirs inattendus. Les murs, eux aussi, sont parsemés de courbes et de détails surprenants : de petites niches décorées de mosaïques, des vitraux enchanteurs, des dessins qui racontent toute une histoire. Ici, tout est pensé pour éveiller la curiosité du promeneur.


Si l’ambiance peut sembler presque fantastique, le bâtiment n’en reste pas moins fonctionnel : il abrite des logements et parfois des commerces, discrètement glissés derrière ses volutes oniriques. Les occupants apprécient ce coin de poésie au cœur du béton tokyoïte, même si, il faut l’avouer, la vie quotidienne dans une œuvre d’art n’est pas banale.
En ressortant, nous jetons un dernier coup d’œil à la façade. Impossible de rater la patte excentrique de Von Jour Caux. Son pseudonyme même souligne son goût pour l’excentricité et la poésie visuelle. À travers ses projets, il propose une vision du bâtiment comme un espace onirique, invitant à la rêverie et à l’exploration. Son travail est apprécié aussi bien des passionnés d’architecture que des curieux en quête d’émotion.
Les informations précises sur le processus de création restent en partie mystérieuses, car Von Jour Caux (Toshirō Tanaka) a souvent préféré entretenir un voile de poésie autour de ses réalisations. On sait cependant qu’il s’est grandement inspiré de l’architecture d’Antoni Gaudí et des formes organiques issues de la nature. Il aurait travaillé avec des artisans locaux pour façonner manuellement les mosaïques, les motifs sculptés et les éléments décoratifs, s’attachant à créer un effet de mouvement permanent sur la façade. Des matériaux divers – verre, céramique, béton et métal – ont été associés dans une démarche presque artisanale, chaque pièce étant conçue pour s’emboîter dans le tout. Ainsi, Waseda El Dorado n’est pas seulement le fruit d’un plan architectural classique, mais bien une œuvre vivante, modelée peu à peu avec l’aide de multiples collaborateurs et nourrie par l’imaginaire foisonnant de son créateur.


Le style de cette bâtisse, tout en formes organiques et en détails foisonnants, fait écho à l’héritage de Gaudí tout en s’inscrivant pleinement dans le paysage tokyoïte. Waseda El Dorado, c’est un joyau caché de la capitale nippone qui invite chacun à s’arrêter, lever les yeux et laisser l’imagination voyager. Un petit bijou que l’on n’oublie pas de sitôt.