Jonathan Beck livres testament joyeux dépressif

Jonathan Beck boucle sa trilogie Testament d’un joyeux dépressif

Écrit par
La rédaction
Photo
DR / Jérémy Läng
Lieu
Genève

À seulement 32 ans, Jonathan Beck tourne une page majeure de son parcours littéraire. Avec la parution du troisième tome de Testament d’un joyeux dépressif, l’auteur signe la fin d’un cycle entamé il y a plusieurs années ; une aventure d’écriture aussi sincère que déroutante, où l’humour noir se mêle à la lucidité la plus crue.

En trois volumes, Jonathan Beck s’est imposé comme une voix singulière dans le paysage romand, capable de sonder les abîmes de l’esprit humain avec une ironie mordante et une tendresse désarmante. Testament d’un joyeux dépressif n’est pas qu’un autoportrait déguisé : c’est un miroir tendu à une génération en quête de sens, épuisée par la surperformance et la peur du vide.

Encensée par la critique, la trilogie a séduit autant qu’elle a bousculé. Les uns saluent l’audace du ton, la justesse des émotions, cette manière de faire rire là où l’on ne devrait pas ; d’autres y voient une œuvre thérapeutique, capable de transformer le désespoir en matière créative. L’auteur, lui, se défend de vouloir livrer des leçons de vie : il écrit « pour apprivoiser ses propres failles », et invite ses lecteurs à faire de même.

C’est dans un bar à vin de Nyon, non loin du château, que nous retrouvons l’auteur. Jeans bleus, veste bleue et chemise bleu ciel ; le code couleur est respecté, jusqu’à la couverture de son premier livre. Un clin d’œil assumé d’un écrivain qui, derrière son humour, manie l’autodérision comme une arme douce.

SC : Peux-tu nous présenter brièvement la trilogie ?

JB : Alors Testament d’un joyeux dépressif, c’est une histoire séparée en trois tomes. Dans le premier, on fait face à un homme, Jean Backer, qui subit son environnement. Pour combattre son mal être, il va petit à petit se créer une sorte de masque en société. Ça va lui donner confiance et il va se plaire dans ce rôle de « connard ». Il a la sensation de vivre une ascension sociale foudroyante. Mais pour nous, lecteurs, on assiste plutôt à une descente aux enfers. C’est ce paradoxe intéressant que j’ai essayé d’exploiter au maximum. Sinon l’histoire se déroule à Vevey (en majeure partie), dans une agence de publicité. Il y a une aventure qui se met en place, de la romance aussi, mais l’élément principal reste la quête de soi par rapport au monde qui nous entoure.

SC : Et ton personnage parvient-il à cette quête d’authenticité ?

JB : Je ne veux pas spoiler l’histoire pour ceux qui ne l’ont pas encore lu. Mais, vous avez un indice subtil avec les couvertures. On peut voir qu’à chaque tome, le dessin de Jean Backer devient de plus en plus détaillé. Comme s’il devenait de plus en plus humain. Et c’est la chose que je vous dirais. (Rires)

SC : Ça fait quoi de clôturer une trilogie à 32 ans seulement ?

JB : Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite de ce que je venais de faire en mettant le point final. Vous savez, un auteur ne vit jamais dans le bon temps. On a une idée, mais on n’est pas devant notre ordi pour la figer dans le temps. Et même quand on écrit, on raconte le vécu de nos personnages pour des gens qui liront peut-être ces lignes dans six mois ou un an. Mais je n’imaginais pas, qu’en démarrant l’écriture de ce qui allait devenir ensuite un livre, j’allais aller aussi loin et faire une trilogie.

SC : Tu pensais avoir un tel retour du public ?

JB : Mais jamais de la vie. Moi, ce bouquin, je l’ai écrit pour moi à la base. D’ailleurs, une fois terminée, je l’ai mis dans un placard et basta. Il a fallu un moment avant que je le ressorte et le dépoussière. Quand il est sorti, je me suis dit qu’il allait plaire à 20 mecs de mon âge qui bossent dans la pub. Mais je ne m’y attendais pas. J’ai rencontré plein de monde d’horizons différents. Je me souviens d’un homme en particulier, dans la soixantaine, qui était ému quand on s’est rencontrés, car ce premier livre lui avait fait énormément de bien dans un moment de sa vie où il allait mal. Quand j’ai entendu que mon livre faisait du bien aux gens, c’est là où j’ai réalisé, avec émotions, que ce que je faisais pouvait apporter du soutien aux gens. C’est la plus belle récompense qui soit.

SC : Comment t’es venu l’idée d’écrire un livre ?

JB : Alors, ça, c’est une bonne question. Je n’ai pas eu l’idée d’écrire un livre. Ça a commencé, à la suite d’une mauvaise passe dans ma vie, où je n’étais vraiment pas bien. J’étais bercé dans la solitude. Et j’ai commencé à me remettre à lire. Je ne lisais pas beaucoup à l’époque. L’école m’avait un peu dégoûté de la lecture. Ce côté où on impose des lectures, c’était révoltant pour moi. On ne prend aucun plaisir à faire quelque chose quand on nous l’impose. Bref. Quand j’ai eu cette envie, cette volonté de retourner vers les livres, j’y ai pris beaucoup de plaisir. J’ai découvert ou redécouvert des auteurs qui ont, on va dire, forgé mes premières armes vers l’écriture. Je pense notamment à Charles Bukowski, Frédéric Beigbeder et surtout Pierre Desproges. Et de la lecture est venue une drôle d’habitude : j’ai commencé à prendre des notes, sur tout ce que je voyais, tout ce qui m’entourait. Avec ces notes, un jour, je me suis dit : tiens, tu commences à avoir pas mal de matière, est-ce qu’il n’y aurait pas moyen d’en faire quelque chose ?

SC : L’écriture t’a aidé à aller mieux ?

JB : Oui, clairement. Ça été un exutoire, une forme de catharsis. Pour mes maux et ceux de la société. C’était libérateur. Après, un premier livre a très souvent une grande part autobiographique. On écrit sur ce qu’on connaît. Et bien souvent, la chose qu’on connaît le plus, c’est nous-même. Et puis, ensuite, en écrivant, on apprend à mieux se connaître aussi.

SC : Comment procèdes-tu pour écrire ? C’est un rituel quotidien ?

JB : Ah, non. Je suis admiratif des auteurs qui peuvent écrire, enfin bien écrire, tous les jours. Moi, je n’aime pas écrire sous la contrainte, en tout cas au début, mais viens souvent un moment, où je dois me challenger pour que les choses avancent. Mon éditeur aussi, aime bien me pousser au train. Je prends ça comme un défi. Et jusqu’à maintenant, ça s’est révélé payant. Mais disons que je fonctionne plutôt par phases. Il y a des phases d’inspiration où je n’écris pas, je nourris la bête, mais je prends plein de notes. Vient ensuite une phase, plus posée, où je me retrouve en tête à tête avec mon ordi. Et c’est dans ces moments-là que le récit avance. Mais non, j’ai pas de rituel quotidien.

SC : Y a-t-il des auteurs qui t’inspires ?

JB : Oui, beaucoup. Il y a certains de mes proches que je trouve très inspirants. Et puis, j’en ai parlé avant. Il y a Pierre Desproges. Je me souviens encore de la fois où je l’ai découvert. J’avais trouvé un vieux livre de ses chroniques de la haine ordinaire. Je l’ai dévoré ! Et ensuite, je suis allé acheter tous ses autres livres. J’ai même regardé ses spectacles. Cette liberté de ton, cette puissance et les mots choisis très justement. Quand tu lis du Desproges, tu redécouvres presque ta langue maternelle, tellement c’est beau. Donc, Pierre Desproges, modèle absolu. Sinon, j’aime beaucoup Raymond Devos, là aussi c’est incroyable le maniement de la langue. Et je pourrais citer des auteurs comme Frédéric Beigbeder, Romain Puértolas, Bukowski et Jonas Jonasson.

SC : As-tu de futurs projets littéraires ?

JB : En ce moment, c’est un par semaine (Rires). Non, j’ai des tas d’idées, dans des styles totalement différents. Je note pour ne pas oublier, mais déjà maintenant, je crois que je n’aurais pas assez d’une vie pour tous les réaliser. J’ai bientôt terminé un nouveau roman qui n’a rien à voir avec Testament. C’est assez drôle et ça fait rêver. Sinon, comme ça, en vrac, j’ai des idées plutôt abouties, notamment un conte et un roman policier. J’ai envie de tester de nouvelles choses. M’éloigner des sentiers battus.

SC : Est-ce que tu as des passions ?

JB : Depuis quelques années, je me suis pris d’affection pour le théâtre. Je fais des cours, ici à Nyon, et c’est quelque chose que j’aime beaucoup. C’est comme une bouffée d’oxygène que je prends pendant deux heures par semaine. J’ai un plaisir immense à me mettre en scène, à m’essayer à l’improvisation et à jouer avec d’autres aspirants comédiens. Et je sens que le projet d’écrire une pièce de théâtre murit un peu plus à chaque fois que je termine un cours.

Pour découvrir les livres de Jonathan Beck, rendez-vous sur www.editions-ogma.com


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