À l’occasion de Prilly Livres, le festival romand du livre, Slash Culture a pu aller à la rencontre de Vincent Veillon et Vincent Kucholl. Ces deux humoristes, qui connaissent un immense succès à la radio avec 120 secondes et à la télévision avec 52 Minutes, nous ont accordé un entretien exclusif. Au menu de cet échange ? Leur rencontre, leur prestation mémorable au Paléo Festival, la création de leur propre studio de production, mais aussi leurs lectures, leur projet de film adapté d’un livre de Jacques Chessex et leurs vins coups de cœur.
Retrouvez l’interview complète sur Spotify :
Vincent Veillon, Vincent Kucholl, racontez-nous un peu votre rencontre
Vincent Kucholl (VK) : C’était en 2009 à Paléo, il y a 15 ans, sur le stand de la RTS, qui s’appelait encore la RSR.
Vincent Veillon (VV) : Oui, Paléo Festival, où on a fait la fête cet été, avec 20’000 personnes.
VK : C’était une bonne occasion pour fêter les 15 ans de cette rencontre.
Comment peut-on définir l’humour suisse ?
VK: C’est difficile à définir.
VV : La Suisse est plurielle. Suisse romande, Suisse alémanique, Tessin…
VK : Romanches. Il y a des gens romanches qui sont drôles.
VV : Ah ouais ?
VK : Sur les 30’000, il doit bien y en avoir un ou deux. Même en Suisse romande, il y a plusieurs écoles. Il y a le stand-up. Nous, ce qu’on fait, ce n’est pas du stand-up du tout. Nous, on fait de l’humour avec des personnages et un propos souvent politique. Il y a des gens qui font de l’humour apolitique. La majeure partie des artistes de stand-up d’ailleurs. Ils font plutôt de l’humour sociologique ou d’observation. Nous, on aime bien parler d’actualité. On fait plus de l’humour satirique. Qu’est-ce qu’on pourrait dire de plus ?
VV : Je pense à Blaise Bersinger qui fait de l’absurde.
VK : Thomas Wiesel fait aussi de l’humour satirique, mais il ne campe jamais de personnage.
VV : C’est tout un monde.
Comment écrivez-vous vos sketchs ?
VK : Maintenant, il y Chat GPT qui fait tout. On lui dit d’écrire un sketch sur les paysans ou la bourse qui dévisse.
VV : Et après on imprime et on le lit.
VK : Ensuite, on remet dans Chat GPT pour corriger les moments où on voit trop qu’on lit. Comme ça, les yeux remontent, et toutes les erreurs de jeu sont gommées. (Rires) Oui, on écrit nous-mêmes. Avec une spécialisation sur les parodies musicales pour Vincent (Veillon), et pour ce qui est des chroniques pour la radio, comme 120 secondes, c’est plus mon domaine. Mais dans les deux cas, c’est une collaboration en amont pour les idées, les gags et thématiques.
VV : Pour l’émission, on collabore avec d’autre personnes pour l’écriture, notamment pour les sketchs produits dans 52 Minutes. Tout ça est très vivant et très organisé.
VK : Pour les courts-métrages, il y a beaucoup de monde qui est impliqué, en plus de nous. Car, il n’y a pas que l’écriture, il y a la production, le tournage, la préparation et le jeu. On a plaisir à engager de nombreux comédiens de la place romande. C’est une grande équipe !
Pourquoi avez-vous créé votre propre studio de production?
VV : La production audiovisuelle, qui était la nôtre dès le départ, concernait l’émission. L’essentiel de ce qu’on faisait concernait l’émission 26 minutes, 120 minutes, puis 52 minutes. Plus le temps passe et plus on a envie d’élargir nos horizons et de travailler avec d’autres « clients » que la RTS. On a un peu bricolé pendant dix ans. Maintenant, avec le lancement de cette boîte, cela nous positionne sur ce marché de manière plus claire.
VK : On avait une boîte qui existait, mais qui avait un nom trop compliqué, trop long et qui était un peu fourre-tout. Là, ça rend les choses plus lisibles pour de potentiels clients futurs.
Studio Pain Fromage : pourquoi ce nom ?
VV : Parce qu’avec très peu d’ingrédients, on peut faire un festin. C’est un peu notre philosophie depuis qu’on a commencé. 120 secondes à la radio, c’était 3 caméras avec des petits trépieds, et ça a rencontré un joli succès. C’est un peu notre ADN.
VK : Faire des choses simplement, avec des produits de qualité.
VV : Les soirées pain et fromage, des fois ça vaut tous les restaurant gastronomiques.
VK : Pour autant que le pain soit très bon et le fromage excellent. Le pain et le fromage sont des choses très locales, et on est attachés à cette dimension à bien des égards.
Comment est venue l’idée de faire un show à Paléo ?
Alors l’idée traînait déjà dans nos têtes depuis quelques temps, mais c’est l’année passée à Paléo qu’on s’est dit mais tiens en fait ça fait trop longtemps qu’on a joué, enfin qu’on n’a pas joué.
VK : Ça faisait cinq ans…
VV : Revenons.
VK : C’est un peu prétentieux comme phrase… (rires). Il faut proposer un projet qui séduise évidemment les programmateurs. On s’est demandé, qu’est-ce qu’on pourrait leur proposer pour revenir ?
VV : Par exemple, de la musique ! C’est un festival de musique. Est-ce qu’on fait de la musique ? Oui. De temps en temps. De la musique drôle, qui marche plus ou moins en fonction des clips sur internet. Faisons une sélection des meilleurs sons et puis allons-y. Paléo a réfléchi et puis nous a dit en fait oui allez-y les gars, c’est cool. On s’est préparé en amont, de manière assez précise parce qu’il n’y avait pas de groupe, on n’avait pas les moyens de former un orchestre pour une seule date. Donc on a vraiment tout préparé à l’avance, que ce soit les vidéos, les bandes sonores, l’habillage visuel et l’habillage sonore. Et après on a répété pendant une semaine, quatre jours : trois jours de répètes et une générale.
C’était comment de se retrouver devant 20’000 personnes?
VV : C’était super ! On était très concentrés.
VK : C’est passé très vite. Et on se réjouit de voir les images, parce que le spectacle a été capté. Et pour ceux qui ne l’ont pas vu en direct, il sera diffusé sur la RTS en décembre.
VV : Oui. Et on va faire un petit documentaire là-dessus. Mais c’était fou, ça n’a rien de rationnel et de normal de faire ça. C’est juste fou.
Quel style de livre lisez-vous ?
VV : Je lis les livres qu’on me met dans les mains. Quels auteurs, j’aime bien ? Sylvain Tesson, j’ai lu pas mal de Sylvain Tesson. Jacques Chessex, j’en ai lu vraiment pas mal aussi.
VK : Alors moi j’ai bien kiffé la trilogie de Pierre Lemaitre : Les enfants du désastre. Dans cette trilogie, on retrouve Au revoir là-haut, qui était Goncourt en 2013, Couleur de l’incendie, et Miroir de nos peines.
Quel est le dernier livre que vous avez lu ?
VV : Delphine de Vigan, Rien ne s’oppose à la nuit. Je crois que c’est le dernier livre que j’ai lu. C’est un bouquin très sympa sur la bipolarité.
VK : En ce moment, je suis en train de lire Les ingénieurs du chaos, de Giuliano da Empoli. Ça s’intéresse à la mise en place de toutes ces méthodes, par des partis politiques, d’accaparement de l’opinion avec de nouveaux outils. Ça commence avec les blogs, dans le mouvement Cinque Stelle, puis, les réseaux sociaux avec la problématique de la diffusion à certains publics d’un certain type de messages plutôt conflictuels. Cela permet à certains partis de se positionner, hors du spectre politique classique, entre la gauche et la droite, et de répondre à une sorte de demande un peu artificiellement construite, de sécurité et de rejet de l’autre. L’auteur s’intéresse à cette destruction d’un socle civique qui s’opère sous nos yeux, déprimés.
Il y a un projet d’adaptation du Vampire de Ropraz de Jacques Chessex. Quelle sont vos rôles et implications dans ce projet ?
VV : L’idée est de faire notre premier long métrage…
VK : Qui serait une sorte de western vaudois, pour teaser l’objet.
VV : Oui, oui, c’est une adaptation. C’est un film qui se passe en 1903, jusqu’en 2023, puisqu’on est 120 ans après les faits. On suit l’histoire de deux policiers lausannois qui partent dans la campagne vaudoise à Ropraz. Vous avez certainement peut-être entendu parler de cette histoire vraie, de profanations de tombes. Vincent et moi, on va camper les deux personnages principaux, les deux policiers qui vont enquêter là-bas. Vincent (Kucholl) a co-écrit le scénario avec Antoine Jaccoud, et moi je vais le réaliser. Voilà ce qui en est au niveau de la répartition des rôles.
VK : Pour les gens qui ont lu le Vampire de Ropraz, qui est un des derniers ouvrages de Jacques Chessex, ils seront peut-être surpris d’entendre parler de ces deux policiers, parce qu’ils ne sont pas dans le livre. C’est là où il y a un gros travail d’adaptation.
Le Vampire de Ropraz est un roman très court qui se lit en une heure et demie, je pense. C’est assez haché. C’est une sorte de revue de presse très bien écrite, parce qu’il y a eu beaucoup de couverture médiatique par la presse de cette série de faits divers, y compris dans la presse internationale. Même le New York Times a fait l’écho de ce drame. Il y a beaucoup d’adaptation, parce que ce n’est pas du tout un livre, où quand on le lit, on se dit, tiens, ça va évidemment être un film.
Dans cette adaptation, on découvre le récit de deux flics : Decoster et Graber. Ils ne sont pas dans là dans l’œuvre de Chessex, mais après, tout le reste y est.
Quelle question auriez-vous aimé que l’on vous pose en interview ?
VK : Comment on s’est rencontrés ? Ça, c’est fait. (Rires) Est-ce que vous vous attendiez à un tel succès ?
VV : Ça, tu ne l’as pas posé. Mais on nous la pose à chaque fois. On pourrait parler de vin, par exemple, de nos routines sportives, parler de…
VK : Ce n’est pas hyper intéressant.
VV : C’est des questions qui ont peut-être moins à voir avec ce qu’on fait, un peu dans la même veine de ce que fait David Castello-Lopes sur Konbini.
VK : Ouais, c’est rigolo, mais moi je suis pas très client de parler de choses perso. Je ne sais pas si j’aimerais faire cette interview avec David Castello-Lopes, où on parle de tout… Moi j’aime bien me limiter à parler de ce dont on fait. Le reste, je suis assez pudique. Alors, je peux volontiers parler de pinards.
VV : Tu ne veux pas parler de Look ?
VK : Ça, je n’ai pas du tout envie de parler de Look. Je fais gaffe. On m’a déjà demandé à plusieurs reprises de venir voir dans mes tiroirs ou mon appartement.
VV : Alors moi, c’est oui direct !
VK : Toi, tu en es friand.
VV : Pas mal, je fonce. J’adore que tout le monde regarde.
VK : Oui, c’est ton petit côté obscène, mais vaniteux.
VV : Complètement. (Rires)
Quel est votre vin coup de cœur ?
VV : Il ne faut pas nous lancer là-dessus.
VK : Coup de cœur, on peut dire.
VV : On a bu le chemin de fer de Massy, hier soir.
VK : Deux bouteilles.
VV : C’est pour ça qu’on a un peu mal à la tête. C’est du Chasselas, Dézaley qui est super. C’est vraiment un très joli Dézaley.
Sinon moi, mon vin coup de cœur, ma région coup de cœur en Suisse, en fait, il y en a plusieurs, mais j’aime beaucoup les pinots noirs des Grisons, mais aussi de Neuchâtel. Il y a des choses formidables, par exemple le Domaine des Landions.
VV : Les coteaux de Verschiez de Bernard Cave, c’est dans ma région un peu, ça continue avec la vanité.
VK : Et c’est un vin que je connais depuis hyper longtemps parce que Cave, c’est je pense le premier vin suisse que j’ai acheté en allant chez le Vigneron.
Dézaley, Chemin de Fer Grand Cru de Luc Massy
Domaine des Landions à Cortaillod
Coteau de Verschiez de Bernard Cave