De la Vienne de 1938 à la Patagonie du XIXe siècle, Michael Hugentobler nous entraîne dans un récit captivant qui explore la sauvegarde des savoirs face aux oppressions et au totalitarisme. Avec Terres de feu, l’auteur suisse signe un roman haletant, où fiction et documentation se mêlent pour préserver la mémoire des peuples oubliés.
Une bibliothèque menacée par le régime nazi
En 1938, l’Autriche se trouve au bord de l’annexion par l’Allemagne nazie. Parmi les biens en péril, la bibliothèque de l’Institut Anthropos de Vienne constitue l’une des collections ethnologiques les plus riches d’Europe. Mais dans ce contexte de propagande racialiste, ces précieuses archives risquent d’être instrumentalisées pour légitimer l’idéologie suprémaciste du régime. Face aux intimidations croissantes, l’ethnolinguiste Ferdinand Hestermann entreprend de mettre à l’abri ces trésors intellectuels en Suisse, avec une mission particulière : protéger le dictionnaire Yámana-anglais, un ouvrage fascinant signé par le missionnaire anglican Thomas Bridges.
Deux hommes unis par la préservation des savoirs
À travers son récit, Michael Hugentobler nous fait voyager entre deux époques et deux destins : celui de Thomas Bridges, homme d’Église déchu du XIXe siècle, et Ferdinand Hestermann, ethnolinguiste du XXe siècle. Tous deux partagent une quête commune : la sauvegarde de connaissances précieuses sur des peuples menacés, notamment les Yámana de la Terre de Feu. Le roman met en lumière leur opposition aux préjugés de l’époque, véhiculés par les récits de Charles Darwin, les théories anthropologiques biaisées et les exhibitions dégradantes des zoos humains.

Une œuvre entre fiction et réalité historique
Sous ses airs de fiction, Terres de feu repose sur une solide documentation. Le fameux dictionnaire Yámana-anglais de Thomas Bridges existe bel et bien : il est aujourd’hui conservé à la British Library de Londres. Michael Hugentobler imagine un récit romanesque autour de ce précieux ouvrage et de ceux qui ont permis de préserver des savoirs menacés d’oubli. L’auteur rend ainsi hommage aux peuples et cultures disparus ou fragilisés par les colonisations et les changements climatiques.
Une postface qui fait écho aux luttes actuelles
Dans une postface signée Geremia Cometti, professeur d’anthropologie de la Nature à l’Université de Strasbourg, le lecteur découvre les défis contemporains des Yágan, descendants des Yámana. Ces derniers subissent encore aujourd’hui les impacts des rivalités politiques entre le Chili et l’Argentine, les industries polluantes et les dégradations environnementales. Geremia Cometti, qui a mené des enquêtes ethnographiques auprès des Yágan, met en lumière les enjeux écologiques et humains auxquels ces communautés doivent faire face.
Michael Hugentobler, un auteur à suivre
Né en 1975 à Zurich, Michael Hugentobler est un globe-trotteur devenu journaliste indépendant et écrivain. Après deux romans remarqués en langue allemande, Terres de feu est sa première œuvre traduite en français. Publié aux éditions Hélice Hélas et traduit par Delphine Meylan, ce livre a eu le droit à son vernissage le 25 janvier 2025 à La Librairie du Château à Rolle.
Terres de feu de Michael Hugentobler transcende les frontières géographiques et temporelles pour nous livrer un vibrant plaidoyer en faveur de la préservation des savoirs et de la diversité culturelle. Ce roman, à la croisée de l’histoire et de la fiction, saura captiver tous les passionnés de littérature engagée et documentée. Une œuvre incontournable à découvrir dès maintenant aux éditions Hélice Hélas.