Salvatore Garau Dylan Frobert

Salvatore Garau : vendre du vent, est-ce tout un art ?

Écrit par
Dylan Frobert
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DR
Lieu
Genève

Si l’architecte Ludwig Mies van der Rohe affirmait avec sa célèbre maxime que « le moins, c’est plus », Salvatore Garau, lui, semble bien loin de cette réalité. En 2021, l’artiste conceptuel italien suscite une vague de curiosité et de débat dans le monde de l’art en vendant une œuvre invisible pour la somme surprenante de 15’000 euros. Slash Culture vide son sac sur le sujet et vous brosse le portrait de cette drôle d’histoire.

La peur du vide comblée

Avec un tel concept, Garau prouve qu’il existe un marché pour le vide en mettant aux enchères une œuvre invisible. Oui, vous avez bien lu: invisible. Intitulée Io sono (« Je suis »), cette pépite consiste en… rien. Enfin, presque rien, car Garau affirme qu’elle est pleine d’ »énergie ». Un chef-d’œuvre qui ne se voit dès lors qu’avec les yeux de l’esprit (ou beaucoup d’imagination).

L’artiste sarde, connu pour ses peintures et installations, franchit ainsi une étape audacieuse. Et miracle: un acheteur, probablement fan de cache-cache artistique, acquiert l’œuvre pour près de 15’000 euros. Cette personne anonyme a toutefois reçu un certificat d’authenticité, seule chose visible qu’elle pourra contempler.

Comment l’invisible prend-il forme?

L’œuvre a bel et bien ses spécificités et doit être exposée dans un espace vide de 150 x 150 centimètres. Imaginez un invité qui entre chez vous:
–  « Ah, superbe cette salle minimaliste. Encore en travaux? »
–  « Non, c’est Io sono. Magnifique, non? »

Bien sûr, cette vente n’a pas manqué de faire réagir. Les amateurs d’art y voient une brillante critique des sociétés obsédées par le matériel, tandis que les sceptiques, eux, soupçonnent Garau d’avoir flairé un bon filon pour vendre de l’air, sans pour autant en manquer. L’artiste, pour sa part, explique que son œuvre invite à réfléchir à ce qui est réellement essentiel : la pensée, l’imaginaire, et surtout la capacité d’un acheteur à signer un chèque pour rien.

Un miroir de notre époque

​​Au-delà de son aspect absurde, Io sono reflète bien notre monde. Nous vivons à une époque où des objets immatériels comme les NFT (des fichiers numériques vendus à des millions d’euros) ou des monnaies virtuelles redéfinissent la valeur. Pourquoi une installation invisible ne pourrait-elle donc pas être un chef-d’œuvre?

Garau tend ainsi un miroir et nous fait prendre conscience de la valeur du vide et de l’invisible. En achetant cette œuvre, le collectionneur ne paye pas pour un objet, mais pour une idée. Et cette idée, aussi absurde soit-elle, pourrait bien être un coup de génie. Garau pousse la logique de l’art conceptuel à son paroxysme, au même titre que Marcel Duchamp et ses ready-mades.

Alors la prochaine fois que votre coloc’ vous demande pourquoi il y a une zone vide dans votre salon, répondez-lui que c’est une œuvre d’art, et vous pourriez bien devenir son nouveau Garau, et non garant.

DF

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