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Stéphane De Groodt, entre doutes et absurdie

Slash Culture a pu s’entretenir avec Stéphane De Groodt, quelques heures avant qu’il ne monte sur scène pour présenter sa pièce « Un léger doute ». Ensemble, nous avons évoqué l’amour des mots, ses premières fois sur les planches, mais aussi Raymond Devos, ses lectures et son apéro idéal.

Une fin d’après-midi de novembre, nous prenons la route pour Le Locle, une charmante ville à deux pas de La Chaux-de-Fonds. Notre envie de couvrir l’actualité culturelle de Suisse romande est mise à rude épreuve avec la neige recouvrant ici monts et merveilles. À notre arrivée, nous avons été accueillis par Nathalie Schnegg et Ophée del Coso, les pétillantes programmatrices du Casino-Théâtre de la Grange.

Ce soir-là, Stéphane De Groodt présente sa pièce Un Léger Doute. Entre humour absurde et réflexion profonde, cet artiste belge touche-à-tout s’est livré sur sa carrière faite de plusieurs passions : la course automobile, le théâtre et l’écriture.

Avant d’enchaîner les jeux de mots et de conquérir les plateaux télé, Stéphane De Groodt était pilote automobile. De 1985 à 2000, il a arpenté les circuits, tout en nourrissant en parallèle sa fibre artistique.

En fait, j’ai toujours fait les deux. Je pense qu’adolescent, j’étais pilote dans ma tête et j’étais comédien dans ma tête.

Le week-end, je faisais des courses de voiture, et la semaine, je faisais de l’impro ou du théâtre amateur, se souvient-il. Cette double vie l’a préparé à la frénésie et à l’adrénaline qu’il retrouve aujourd’hui sur les planches.

Pour moi, la course et le théâtre ont beaucoup en commun : une scène, un public, un spectacle, un habit de lumière et beaucoup d’adrénaline au litre. Chaque soir, je ressens cette montée d’énergie, comme un pilote sur la ligne de départ.

Écrire, un besoin plus qu’une envie

Si Stéphane De Groodt excelle dans l’écriture, il confie que cet exercice est venu naturellement. « Écrire n’était pas une envie, mais un besoin. Je cherchais mes mots à l’oral, mais à l’écrit, tout semblait plus fluide », explique-t-il. « J’avais besoin de formuler des pensées, de traduire ce que j’imaginais à l’écrit. Très tôt, cela a été un outil pour structurer ma pensée et m’exprimer différemment. » Sa créativité repose sur une gymnastique mentale qu’il a cultivée grâce à l’improvisation : « Mon cerveau associe des sons et des sens ; je joue avec les mots, je les marie, je les bouscule. C’est un peu comme monter une équation absurde qui finit par avoir du sens.»

Cette inventivité lui a valu, en 2014, e recevoir le prix Raymond Devos :

Recevoir cette distinction fut une immense fierté. Moi, qui étais un cancre à l’école, être récompensé pour mon maniement des mots, c’était assez étrange. J’étais doublement honoré cette année-là, puisque j’ai aussi reçu le titre de Chevalier des Arts et des Lettres.

Quand on demande à Stéphane ce dont on a besoin pour faire un bon voyage en absurdie, celui-ci nous répond :

On a besoin de pas grand-chose, si ce n’est son imagination. Ce qui est déjà beaucoup. L’imagination, ça se développe. Ça se découvre. Il faut créer des portes dans son cerveau, il faut se créer des clés et ouvrir toutes ces portes. Puis après le voyage, il promet d’être long et merveilleux. Il faut utiliser son imaginaire comme un passeport qui nous permet d’aller partout.


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Un léger doute, une réflexion sur l’existence

Avec Un Léger Doute, De Groodt signe une pièce qui oscille entre introspection et absurde. « L’idée a germé pendant le Covid, lorsque les théâtres étaient fermés. Sans public, nous, comédiens, n’existions plus. Cela m’a poussé à explorer cette notion de regard extérieur comme élément d’existence », explique-t-il. La pièce, à la mise en abyme complexe, interroge le sens de la vérité, du présent et de la perception.

Je voulais aussi m’interroger sur le sens même de l’existence. Si personne ne nous regarde, est-ce que nous existons vraiment ? Donc j’ai imaginé une pièce où il n’y aurait pas de public, et je déroule ma réflexion… Est-ce que tout ça existe ? Le présent, la mort, la vie.

Le processus d’écriture n’a pas été de tout repos. Après avoir posé les premières bases, il a sollicité l’avis de son co-auteur de longue date, Christophe Debacq, pour peaufiner le texte « Christophe a ce talent de trouver des twists qui transcendent mes idées ».

Sur scène, cette mise en abyme trouve un écho fascinant.

La première fois que j’ai vu ma pièce jouée par d’autres comédiens, j’étais presque spectateur de mon propre travail. Ça m’a émerveillé. Aujourd’hui, je prends plaisir à m’investir pleinement dans le jeu.

Quand on lui demande à quoi peut s’attendre le public en regardant Un léger doute, celui nous confie avec assurance :

Je pense qu’ils verront une pièce comme ils n’en ont jamais vu, ça c’est sûr.

Ce dernier avait raison. Ce soir-là, la salle du Casino était comble et comblée. Le public n’a émis aucun doute face au talent des trois comédiens accompagnant Stéphane sur scène : Anne Benoit, Constance Dollé et Pascal Demolon. Le jeu était maîtrisé, les répliques percutantes et les rires présents du début à la fin.

Lectures et autobiographie à venir

Au-delà de ses projets actuels, Stéphane De Groodt prépare une autobiographie, attendue dans l’année à venir.

C’est un exercice particulier, mais fascinant. J’ai trouvé un fil, et maintenant je tricote. Chaque souvenir est une maille que je noue avec précision ». Un exercice qui, selon lui, demande du temps et une véritable mise à nu.

En matière de lecture, il se confie :

J’aime des auteurs comme Sylvain Tesson pour sa poésie, ou Fabcaro, qui a un humour très fin. Mais je lis surtout pendant les vacances.

Un de ses ouvrages préférés est L’Éloge du risque d’Anne Dufourmantelle, un livre qui l’a marqué par sa réflexion sur le courage.

S’il doute parfois de ses créations, il affirme que le doute est un moteur.

Je suis convaincu de mes doutes, un peu moins de mes certitudes. Douter, c’est essentiel. Cela permet de progresser, de rester curieux et de ne jamais s’endormir sur ses acquis.

Un conseil pour les futurs comédiens ?

Déjà, il faut être patient, il faut être investi de cette envie. C’est le meilleur carburant. C’est un long chemin. Donc, il faut prendre de bonnes chaussures.

Un amateur de gin

Lorsqu’on l’interroge sur ce qu’il aime consommer, il répond avec enthousiasme un brin épicurien :

J’adore le gin tonic. Je me suis mis au gin belge, parfumé à la vanille et à la mandarine. Une tuerie.

Si Stéphane De Groodt devait choisir un seul repas ?

Peut-être un Américain… Ce qu’on appelle le tartare en France. Chez nous, en Belgique, on appelle ça l’américain. C’est une tuerie.

En quittant nos belles contrées, Stéphane De Groodt laisse derrière lui un public conquis et réfléchissant encore aux subtilités de son univers. Avec une imagination sans limite et une sincérité désarmante, il confirme sa place d’artiste inclassable dans le paysage culturel francophone.

Pour en savoir plus sur le Casino Théâtre de la Grange : www.grange-casino.ch

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