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Michel del Castillo, écrivain des tragédies de l’enfance, s’est éteint à 91 ans

Michel del Castillo, auteur d’une œuvre littéraire marquée par les drames de son enfance, est décédé le mardi 17 décembre à Sens, dans l’Yonne, à l’âge de 91 ans. Né à Madrid le 2 août 1933, il laisse derrière lui une bibliographie riche et poignante, explorant les blessures de son passé tout en s’érigeant en pont entre la France et l’Espagne.

Un enfant pris dans les tourments de l’Histoire

Michel Janicot del Castillo est né d’une mère espagnole, Candida, proche des républicains, et d’un père français, qui abandonne sa famille à la veille de la guerre civile espagnole. Cette déchirure familiale inaugure une vie marquée par la douleur. Fuyant l’Espagne à la fin des années 1930, Candida et Michel trouvent refuge en France, mais leur répit est de courte durée : dénoncée par son ex-mari comme « étrangère indésirable », Candida est internée avec son fils dans un camp de réfugiés à Mende, où règnent des conditions inhumaines.

En 1942, dans un geste désespéré, Candida livre son fils à la police allemande. Michel est alors envoyé dans des fermes de travail en Allemagne, où il endure des années de labeur forcé jusqu’à la fin de la guerre. L’après-guerre ne lui apporte pas de répit : de retour en Espagne, il est interné dans un centre de redressement à Barcelone. Il y subit quatre années d’abus et de privations avant de s’évader en 1949.

Ces épreuves, Michel del Castillo les transposera plus tard dans ses récits, notamment dans son premier roman, Tanguy (1957), qui rencontre un succès immédiat et révèle au grand public les traumatismes d’une enfance sacrifiée.


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Un écrivain prolifique et engagé

En s’installant à Paris, Michel trouve un oncle bienveillant qui l’encourage à poursuivre ses études de lettres et de psychologie. C’est dans cette ville qu’il commence à écrire, transformant son vécu en matériau littéraire. Son œuvre compte près de 45 ouvrages, allant de romans à des essais et des pièces de théâtre.

Il est couronné par de nombreux prix prestigieux : le prix des libraires et des Deux Magots pour Le Vent de la nuit (1973), le prix Renaudot pour La Nuit du décret (1981), et le prix Méditerranée pour Dictionnaire amoureux de l’Espagne (2005). Ces distinctions viennent saluer une plume à la fois intime et universelle, qui explore les thèmes de l’abandon, de la trahison, et de la quête d’identité.

Un passeur entre deux cultures

Si Michel del Castillo a toujours écrit en français, il revendiquait avec fierté son double héritage culturel. Admirateur de Dostoïevski, auquel il consacre un essai intitulé Mon frère l’Idiot (1995), il se présente comme un écrivain habité par les tragédies personnelles et historiques.

Outre ses récits autobiographiques, il publie des essais marquants comme Algérie, l’extase et le sang (2002) et Le temps de Franco (2008), qui témoignent de sa volonté de questionner les soubresauts politiques et sociaux.

Un héritage littéraire durable

Michel del Castillo a passé les dernières années de sa vie en Provence, où il a continué d’écrire et de réfléchir sur les grandes questions de l’existence. Membre du comité d’honneur de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, il s’est également engagé pour des causes sociétales.

En hommage à son parcours exceptionnel, une école à Mende porte aujourd’hui son nom, un symbole puissant pour celui qui y avait connu l’exil et l’enfermement.

Avec la disparition de Michel del Castillo, le monde littéraire perd une voix singulière, capable de faire de la douleur une matière artistique d’une intensité rare. Ses écrits, profondément humains, continueront de résonner bien au-delà de sa mort.

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