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Nathacha Appanah remporte le Prix Femina 2025 pour La nuit au cœur

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La rédaction / AFP
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Genève

Le prestigieux Prix Femina 2025 a été attribué ce lundi à Nathacha Appanah pour son roman La nuit au cœur, publié chez Gallimard. Née à l’île Maurice, la romancière signe ici un texte puissant et bouleversant, à la croisée de la fiction et du témoignage, où elle explore les mécanismes de la violence masculine et l’emprise qui détruit les vies de trois femmes, dont la sienne.

Un prix majeur pour une autrice engagée

Décerné par un jury exclusivement féminin composé de douze membres, le Prix Femina a couronné cette année une œuvre d’une intensité rare. La nuit au cœur a été choisi au second tour du vote, devançant La maison vide de Laurent Mauvignier, Au grand jamais de Jakuta Alikavazovic, Un mal irréparable de Lionel Duroy et Le monde est fatigué du Suisse Joseph Incardona.

La cérémonie s’est tenue au musée Carnavalet-Histoire de Paris, à la veille des autres grands prix littéraires d’automne (Goncourt, Renaudot et Médicis). L’ouvrage d’Appanah, également finaliste du Goncourt et du Renaudot, s’impose ainsi comme l’un des textes majeurs de la rentrée 2025.

« Je suis tellement heureuse d’avoir un prix d’automne. C’est mon douzième livre et mon premier grand prix », a confié la lauréate à l’AFP, évoquant un roman « de compréhension de la noirceur et de la dynamique de la violence ».

Trois destins de femmes unis par la violence

Dans La nuit au cœur, Nathacha Appanah relie trois histoires, trois trajectoires brisées. Celle de Chahinez Daoud, brûlée vive par son mari à Mérignac en 2021 ; celle de sa cousine Emma, tuée par son compagnon en 2000 à l’île Maurice ; et enfin, la sienne. L’autrice évoque la fuite de son propre compagnon violent, alors qu’elle n’avait que 25 ans.

À travers ces récits imbriqués, elle met en lumière la mécanique de l’emprise : les insultes, le contrôle, l’isolement, la manipulation. Des schémas qu’elle démonte avec une lucidité glaçante. En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint ou ex-compagnon, un constat qui irrigue tout le roman d’une tension tragique.


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Un texte à la frontière du roman et du documentaire

Nathacha Appanah signe ici une œuvre hybride, où la littérature devient outil d’enquête et de résistance. Elle raconte à la fois son travail d’écriture, ses entretiens avec les proches des victimes et ses doutes face à « l’obscurité, le silence et l’impuissance de la littérature ».

« De ces nuits et de ces vies, de ces femmes qui courent, de ces cœurs qui luttent, il a fallu faire quelque chose. Les écrire, les regarder en face », écrit-elle.

Par cette mise à nu, La nuit au cœur s’inscrit dans la continuité de Tropique de la violence (Prix Femina des lycéens 2016), mais va plus loin encore : un cri de colère et d’amour, un texte de mémoire et de survie.

Un Femina qui résonne

Avec ce prix, Nathacha Appanah rejoint la lignée des grandes voix féminines couronnées par le Femina, de Marguerite Duras à Marie Darrieussecq. En honorant La nuit au cœur, le jury distingue non seulement une écrivaine accomplie, mais aussi une parole nécessaire, qui rappelle la puissance de la littérature face à l’indicible.

Le Prix Femina du roman étranger pour John Boyne, et celui de l’essai pour Marc Weitzmann

Dans la catégorie roman étranger, le jury a distingué Les éléments de John Boyne (JC Lattès), traduit de l’anglais par Sophie Aslanides. L’auteur du Garçon en pyjama rayé signe ici un récit choral où se croisent quatre destins marqués par la culpabilité, la résilience et la quête de rédemption : une mère en fuite, un jeune footballeur prodige, une chirurgienne blessée et un père en voyage initiatique avec son fils.

Né à Dublin en 1971, John Boyne livre une œuvre sensible et précise, où chaque histoire éclaire les failles et les forces humaines. Le roman, déjà lauréat du Prix du Roman Fnac 2025, confirme la maîtrise narrative de l’écrivain irlandais.

Côté essai, le Prix Femina revient à Marc Weitzmann pour La part sauvage (Grasset). Dans ce texte à la fois intime et politique, l’auteur évoque sa relation d’amitié de vingt ans avec Philip Roth, dont la disparition en 2018 marque pour lui la fin d’une époque : celle d’une Amérique des idées, emportée par la brutalité contemporaine. Entre témoignage personnel et réflexion sur le monde, Weitzmann dresse le portrait lucide d’un pays en crise et rend hommage à l’un de ses plus grands écrivains.

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