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D’art & d’onirisme – spéciale Halloween

Écrit par
Clara Forax
Photos
DR
Lieu
Nyon

Très chers lecteurs, très chères lectrices,

Vous êtes-vous déjà demandé d’où provient l’inspiration qui anime un artiste lorsqu’il réalise une de ses œuvres ? De quelle contrée farfelue et abracadabrante peut-il bien puiser l’imagination nécessaire à ce processus, pourtant vieux comme le monde, mais qui ne cesse d’étonner, de questionner ou d’émerveiller les chanceuses prunelles posant leur regard dessus ?

Parce que moi, oui. Et maintenant chers lecteurs, vous aussi.
Et cela tombe bien car aujourd’hui, je vous invite à la découverte de pièces maîtresses inspirées par l’une de ces mystérieuses contrées. La plus inépuisable et la plus substantielle d’entre toutes… J’ai nommé : le monde des songes.
Entre rêves et cauchemars, rêveries ou visions, l’inconscient est un champ où fleurissent or et diamants pour ceux qui savent y accéder.

Et puisque nous sommes en plein mois d’octobre et qu’Halloween approche à grands pas, je vous propose de commencer cette série « d’Art et d’Onirisme » par des œuvres dérangeantes, des œuvres effrayantes, qui ont su marquer le public par leur simple existence. De la peinture à la littérature, en passant par la musique et le cinéma, nous explorerons un certain nombre d’œuvres émanant directement des profondeurs psychiques de leur créateur.

Mesdames et messieurs, en voiture !
Car nous voilà en route pour le monde angoissant des Cauchem-Arts.

Premier arrêt : le 3ème art. Et commençons local, si vous le voulez bien, avec l’artiste-peintre d’origine suisse, Johann Heinrich Füssli, et sa célèbre œuvre « The Nightmare » (1781) :

Peinture à l’huile issue d’une vision apparue en rêve à l’auteur, à la fois érotique et macabre, Füssli dépeint une représentation directe de l’un de ses propres songes. Dans cette scène, on aperçoit une femme semblant endormie, presque évanouie, et qui est dominée par une hideuse créature trônant au sommet de son ventre. Une autre figure des plus malaisantes, représentant ce qui semble être un cheval, se tient en arrière-plan, observant la scène de ses deux globes spectraux.

Bien que nous n’ayons pas la symbolique directe de l’auteur, des théoriciens avancent que l’œuvre représenterait un amour perdu, celui de Füssli lui-même, vécu lors de sa rupture avec Anna Landholdt, une jeune femme qui refusa sa demande en mariage et se maria peu de temps après avec un autre homme.

Selon cette interprétation, la femme endormie ne serait nulle autre qu’Anna et Füssli, quant à lui, serait représenté par l’incube, cette espèce de démon confortablement assis sur elle.

Le message semble clair : Füssli la domine malgré elle. Son emprise est encore tenace malgré le rejet. Le cheval, quant à lui, incarnerait la représentation même du sexe, symbole liant à jamais les deux amants. Puisqu’il l’avait un jour possédée, il la posséderait toujours, avait-il écrit à l’oncle de cette dernière.

Une autre théorie avance que cette œuvre serait en réalité une représentation de la paralysie du sommeil. Certains proposant même que l’auteur en eut souffert. En effet, l’air en détresse de la jeune femme, ainsi que sa position face au démon siégeant sur elle, rappellent les sensations de poids mort, de suffocation et parfois même d’hallucinations démoniaques que rapportent les personnes victimes de ce mal nocturne.

Lors de sa première exposition au grand public à la Royal Academy de Londres en 1782, l’œuvre suscita émois, effroi, mais surtout grand intérêt. Tellement d’intérêt que le peintre décida de continuer sur sa lancée et finit par offrir d’autres œuvres basées sur le même thème.

Chagrin d’amour intériorisé ? Ou véritables visites démoniaques ? Rien n’est sûr mais l’aura lugubre émanant de ces œuvres ne laisse, encore aujourd’hui, personne indifférent.  

Nous voilà dans le bain, chers lecteurs. Mais tremper un orteil ne suffit pas, non, non, non.
Alors continuons notre balade dans les tréfonds des rêves les plus terrifiants des faiseurs d’art, et arrêtons-nous au prochain point digne d’intérêt, le 4ème art, celui des harmonies mélodieuses et du solfège : le monde de la musique.

Richard D. James, plus connu sous le pseudo Aphex Twin, est considéré comme une référence dans l’univers de la musique électronique. Compositeur britannique né en 1971, il a su se démarquer mondialement et plus particulièrement dans un sous-genre bien spécifique.

Car si nous sommes nombreux et nombreuses à écouter de la pop ou du rock durant la journée, peu d’entre nous affectionnent, voire connaissent, l’ambient.

« L’ambient, qu’est-ce donc, cette sorcellerie ? » me direz-vous ?

Eh bien, voilà ce qu’en dit le grand et omniscient Google :
« L’ambient fait référence à un genre de musique électronique axé sur l’atmosphère ou une qualité englobante. En musique, l’ambient est une composition sonore qui se concentre sur les tonalités et les textures plutôt que sur un rythme marqué, souvent utilisée pour créer une ambiance de fond discrète mais intéressante. »
Et croyez-moi, il n’existe rien de plus efficace que ce sous-genre pour insuffler d’étranges émotions à ses auditeurs.

Si aujourd’hui l’on trouve pléthore de playlists YouTube d’ambient faites pour favoriser la détente, la concentration ou encore le sommeil, Aphex Twin se distingue par l’étrangeté émanant de ses compositions. À la frontière du réel, flirtant entre émerveillement et terreur, l’artiste britannique manie la contemplation couplée au malaise d’une main de maître. Et tout particulièrement dans son album « Selected Ambient Works Volume II », où se succèdent titres oniriques et horrifiques. Il tirerait cette singularité musicale directement de son inconscient.
Selon plusieurs interviews de l’artiste, il se priverait volontairement de sommeil afin d’accéder à des états de conscience modifiés et pratiquerait en annexe le rêve lucide, cette capacité à contrôler consciemment le déroulement de ses voyages nocturnes.
L’album, comportant 24 titres pour une durée totale de 2h37, est à écouter de préférence d’une traite et lors d’une nuit sombre et sans lune.
Malaise et frissons garantis.

Oh, mais sentez-vous cette bonne odeur d’encre et de papier ? Nous approchons sûrement de notre prochaine destination : le 5ème art, ou le doux domaine des vers et des mots.
Mettons le cap sur les contes les plus mémorables et terrifiants de la littérature horrifique.

Chers amis lecteurs, pour ce chapitre, il n’a pas été chose aisée de choisir sur quelle œuvre se concentrer, veuillez me croire. Car la littérature regorge d’histoires d’épouvante.

De Mary Shelley et son cauchemar sous opium du « pâle étudiant des arts profanes agenouillé aux côtés de la chose qu’il avait assemblée », aka Frankenstein, né ici même en Suisse, en passant par Robert Louis Stevenson et son rêve agité de L’Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, rêve qui lui valut des remontrances de son épouse pour avoir osé le réveiller, sans oublier le terriblement célèbre Stephen King, qui vécut en rêve l’intrigue de Miserylors d’un vol pour Londres, la littérature est un terrain propice aux œuvres issues de l’inconscient.

Mais si je vous ai cité ces grands noms de l’écriture, c’est parce que notre personnage principal est tout autre… Père célibataire d’univers et de créatures aussi fascinantes que terrifiantes, d’abord ignoré de son vivant puis élevé au rang de maître incontesté de l’horreur après sa mort,
Howard Phillips Lovecraft, né le 20 août 1890 à Providence, aux États-Unis, a offert au monde d’innombrables récits mêlant épouvante, fantastique et science-fiction.

Si le très populaire Cthulhu vous vient en tête, permettez-moi de détourner votre attention vers une autre de ses œuvres, moins renommée mais tout autant, si ce n’est plus, effrayante. Car le récit que nous narre ce cher Lovecraft dans La quête onirique de Kadath l’inconnue n’est pas qu’une histoire. C’est avant tout une visite guidée des Contrées du Rêve, contrées où se rendait régulièrement l’auteur.

Si le récit de Randolph Carter est bel et bien imaginé, les lieux quant à eux prennent directement racine dans ses propres voyages oniriques. En particulier Kadath, cette ville que Lovecraft visitait souvent en rêve récurrent. Aurait-il aussi rencontré les créatures peuplant les Contrées du Rêve lors de ses visites crépusculaires ? Le doute est permis, séduisant même, lorsque l’on sait que des lieux « du monde invisible » sont aujourd’hui cartographiés dans le cadre de recherches scientifiques sérieuses par des volontaires sous DMT (diméthyltryptamine). La fiction rattrape peut-être la réalité finalement…

Chers lecteurs, notre voyage touche à sa fin, mais avant de retourner vaquer à nos occupations automnales, laissez-moi vous emmener dans un tout dernier lieu…
Celui qui réunit à lui seul images, sons et intrigues, j’ai nommé : le 7ème art.

S’il y a bien une créature qui me traumatisa autant que Kayako et son fils Toshio dans Ju-On de Takashi Shimizu (The Grudge pour ceux qui n’aurait connaissance que de la version américaine de ses films) étant enfant, elle se trouve assurément dans Le Labyrinthe de Pan, du génie et génial Guillermo del Toro. Ceux qui ont un jour vu ce film savent à qui, ou plutôt à quoi, je fais référence…

Grand, blanchâtre et au visage dépourvu d’orbites, l’homme pâle ou l’ogre, patiente, endormi aux abords d’un buffet débordant de victuailles délicieusement alléchantes.
Il est assis, en bout de table, une assiette contenant une paire d’yeux rouges posée face à lui.

Pour ceux qui n’auraient jamais vu ce chef-d’œuvre ayant remporté une multitude de prix à sa sortie en 2006, je vous pose volontiers le contexte…
Imaginez-vous une jeune enfant, du nom d’Ofelia, tentant de retrouver son royaume ainsi que son titre de reine d’un monde souterrain invisible de tous, qui est guidée par un étrange faune lui servant de mentor pour l’aider dans sa quête. Quête constituée de trois épreuves qui finiront par la ramener dans son royaume natal.
Ne nous attardons pas sur la première de ses épreuves, et passons directement à la deuxième d’entre-elles, celle de notre créature cauchemardesque.
Chers lecteurs, les prochaines lignes contiennent du spoil. Si vous ne souhaitez pas que je vous révèle l’un des passages les plus emblématiques de ce film, rendez-vous directement après la vidéo ci-dessous. Vous voilà à présent avisés. Pour les autres, poursuivons :
Alors accompagnée de trois délicates fées, Ofelia a pour mission de se rendre dans la tanière de l’ogre afin d’y dérober un poignard.
Mais le faune insiste sur un point crucial pour assurer le bon déroulement de cette mission : Ofelia ne doit en aucun cas goûter ni nourriture ni boisson une fois dans la tanière. Malheureusement, bien trop affamée et bien trop tentée par l’abondance des mets reposant sur la table de l’ogre, Ofelia finit par aller à l’encontre des recommandations de son mentor, en goûtant quelques raisins de son hôte. Action qui aura pour conséquence de réveiller instantanément le monstre. La jeune fille ne réussira à s’échapper d’un funeste destin que grâce au sacrifice de deux de ses trois fées.
Pour les plus curieux d’entre vous, et pour les plus nostalgiques, voici l’extrait en question :

Si l’on peut aisément croire qu’une telle créature provienne des plus affreux et tortueux cauchemars dont un homme peut songer une fois la nuit tombée, il n’en est rien ici.
Car enfant, c’est du faune dont Guillermo rêvait chaque soir. Le voyant inlassablement sortir de derrière son armoire. Si cette figure effrayante le visitait sans cesse, il la transforma en présence ambivalente et protectrice pour son film. Et l’humble chroniqueuse que je suis ne peut que l’en remercier, car le personnage et l’apparence de l’ogre dans son œuvre n’en demeurent que plus iconiques et traumatisants, surtout pour la petite fille que j’étais en le découvrant.

Voilà qui achève notre balade halloweenesque, chers lecteurs.
J’espère sincèrement que vous aurez apprécié cette sortie onirique autant que moi, et qu’elle vous permettra de vous mettre dans la juste ambiance pour ce 31 octobre de l’an 2025.

Affreux-ctueusement,
Votre dévouée chroniqueuse,
Clara

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